Charles-Henri-Jean Dewisme naît à la toute fin de la Première Guerre mondiale, précisément le 16 octobre 1918 à Ath. Enfant de divorcés, il est principalement élevé par ses grands-parents où il jouit d’une enfance sans histoire.

C’est à l’aube de l’adolescence et durant ses années d’humanité que s’affirme un caractère bien trempé. Lecteur boulimique biberonné aux dimes novels, il rêve de voyages et de grandes aventures. Nick Carter, Buffalo Bill, Harry Dickson n’y sont pas étrangers. Sa scolarité est chaotique et il ne manque pas une occasion de quitter les bancs de l’école. Son caractère aventureux l’emmène très tôt vers la Chine où il sert d’homme à tout faire à une mystérieuse chinoise, Madame Lou. Sur la Rivière des Perles de Canton, elle est à la tête d’une jonque transformée en maison close. Peu de temps après son arrivée, il profite de la première occasion pour quitter Madame Lou et rejoindre Hong-Kong puis Shanghai. Il décide finalement de quitter l’Asie après quelques mois de pérégrinations et rejoint l’Europe peu avant le début de la guerre sino-japonaise.

Durant la Seconde Guerre mondiale, il est mobilisé puis envoyé dans le Sud de la France. Revenu rapidement en Belgique, il retrouve sa fiancée et l’épouse avant de travailler pour son beau-père diamantaire. Cependant, cette vie bien rangée ne lui convient pas du tout et il quitte sa femme dès 1941.

Les années de guerre sont particulièrement riches en événements : il entre tout d’abord dans la Résistance et participe à des missions de renseignement. C’est également à cette époque, en 1943, qu’il rencontre Jean Ray avec qui il nouera une amitié indéfectible. Après quelques tentatives avortées, il écrit, en 1941, un premier roman qui sera publié trois ans plus tard aux éditions de la Renaissance du Livre : La Porte ouverte.

À la fin de la guerre, il devient journaliste et travaille pour la presse aussi bien belge que française. Une profession peu contraignante qui lui permet de mener sa vie comme il l’entend. Il continue également son travail d’écrivain et publie plusieurs textes dont La belle nuit pour un homme mort en 1949 aux éditions du Triolet. Cette même année, il écrit de nombreux articles pour diverses revues destinées à la jeunesse : Story, Mickey Magazine, Héroïc-Albums.

En 1953, il se lance dans la création d’un nouveau héros conçu pour être le fer de lance de la jeune collection « Marabout Jeunesse » : Bob Morane est né. Il signe alors Henri Vernes. Le succès ne se fait pas attendre et l’oblige à écrire jusqu’à six Bob Morane par an. Un rythme d’écriture effréné qui ne l’empêche pas de voyager aux quatre coins du monde et surtout en Amérique du Sud, région du monde particulièrement chère à ses yeux. Le succès ne se dément pas pendant plusieurs dizaines d’années. Lorsque Marabout fait faillite, en 1977, l’auteur part avec son héros vers La Librairie des Champs Élysées, puis, successivement chez Hachette, chez Fleuve Noir, aux éditions Claude Lefrancq, aux Éditions Ananké-Lefrancq et enfin, chez Ananké. Un parcours éditorial accidenté qui ne l’empêche pas d’offrir à Bob Morane plus de 200 aventures et de s’inscrire comme un des auteurs les plus prolifiques de la littérature moderne.

Accaparée par le succès de sa création, la carrière d’écrivain d’Henri Vernes est dominée d’une manière écrasante par Bob Morane. Pourtant, Charles-Henri Dewisme s’est essayé à d’autres genres et ne s’est pas cantonné aux récits pour la jeunesse.

L’auteur développe très tôt un goût pour la littérature, d’abord la lecture puis l’écriture qu’il exerce alors qu’il est toujours à l’Athénée dans Le Scorpion, journal estudiantin dont il est l’animateur principal. Ses facilités d’écriture et son ton volontiers provocateur y sont particulièrement bien accueillis.

Après quelques projets de roman avortés, il termine La porte ouverte en 1941. Le livre, publié trois ans plus tard à la Renaissance du Livre est sa première incursion dans le monde de l’édition. Il raconte la vie difficile d’un homme « fait pour les grands espaces » « dans un monde de béton, de conventions, d’une captivité morale et physique ».

En collaboration avec Gaston Bogaerts, Henri Vernes écrit en 1946 une aventure humoristique, La véritable histoire de Will Williamson, sous le pseudonyme Cal. W. Bogar aux éditions Défense de la France. Ce duo publiera également Brandy Street en 1953 aux éditions Laroche.

En 1949 sort La belle nuit pour un homme mort, aux éditions du Triolet. Ce roman, paru dans le sillage de J’irai cracher sur vos tombes de Boris Vian, se permet tous les excès. Empreint de violences, de noirceur et de sexe, il dépeint un Paris post-apocalyptique sur un ton particulièrement nihiliste.

L’année suivante, il écrit un récit d’espionnage, Rendez-vous au Pélican Vert, signé Lew Shannon, et un roman léger, Le désir rôde, sous le nom de Pat Richmond, pour les éditions du Triolet. Celles-ci tomberont en faillite et le roman sortira finalement aux éditions PIC.

En 1952, il se lance dans l’écriture d’un roman psychologique, Le goût du malheur, qui ne sortira qu’en 1994 aux éditions du Centre d’art d’Ixelles.

Toujours la même année, il écrit un essai inspiré des travaux de son ami Bernard Heuvelmans : À la recherche du monde perdu. Il paraît chez André Bonne en 1954.

En plus des Bob Morane, Henri Vernes a également signé plusieurs volumes de la collection Marabout Junior. Le premier, Les conquérants de l’Everest, n°10 de la collection est surtout un premier tour de piste destiné à évaluer les capacités du jeune auteur à travailler vite et bien avant la sortie des Morane. Il signe ensuite, parfois sous le pseudonyme de Jacques Seyr, Les Conquérants du Nouveau-Monde, Des hommes sur un radeau, La hache de guerre, Les compagnons de la flibuste et L’or des Incas.

L’année 1957 est signe de diversité dans la production de l’auteur. Tout d’abord il crée un nouveau héros pour les éditions Hachette : Luc Dassaut. Le succès n’est pas au rendez-vous et seules deux aventures vont paraître : Les rescapés de l’Eldorado et Base clandestine.

Il publie également, chez Grasset, Les zombis ou le secret des morts-vivants dans la collection « Bilan du Mystère » qui tente d’expliquer des faits paranormaux. Il y parle du culte des morts, du Vaudou en Haïti, des morts-vivants…

Il commence également à écrire un livre destiné à la Série Noire. Pris par Bob Morane, l’auteur ne poursuit pas l’écriture du roman. Les six premiers chapitres sortiront en 2013 aux éditions La Petite Pierre sous le titre : Façon Série Noire.

Dans les années 1980, Henri Vernes est lassé de Bob Morane. Trop à l’étroit dans le cadre strict des règles de bienséance imposées à la production destinée à la jeunesse, il rêve de liberté. Sous un nouveau pseudonyme, Jacques Colombo, il crée pour Fleuve Noir une série policière osée appelée DON dont le slogan est « Danger, Érotisme, Violence ! » Il écrit onze volumes avant d’abandonner sa création. Seulement onze ? Apparemment, la liberté de ton tant espérée n’est finalement pas vraiment au rendez-vous. Il confiera quelques années après la fin de la série : « C’est peut-être un défoulement car, pendant des années, j’ai été contraint de me cantonner à la littérature pour jeunes… Ne pas mettre de sexe dans un Bob Morane c’est contraignant, mais en mettre tout le temps, c’est aussi contraignant… ».

En 2012, aux éditions Jourdan, Henri Vernes livre ses « Mémoires ». Largement consacré à sa jeunesse et à sa vie aventureuse, le livre était attendu par ses fans les plus fidèles depuis de nombreuses années.

 

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